JERRYTOWN, 5 juin 1999 – (10 ans)

« Taya, taya ! Je suis une fée mangeuse de BN, vous allez toooouuuuus mouriiiiiir ! Ou alors prosternez-vous devant ma puissance Kellogsienne ! » Je bondis pieds joints devant mes peluches qui tremblent de peur devant ma puissance. Oui elles sont terrifiées ! Je le sais, je le sens, je le vois ! La petite peluche rose là, elle tremble de tout son petit corps. Elle en perd ses paillettes et bientôt elle va nous faire un petit… « Leeloo chérie, tu descends s’il te plait ? » Haha ! Sauvez par les parents les peluches ! MAIS JE REVIENDRAIS, OH OUI ! Je lâche mon hippo prisonnier, et je coure jusqu’en bas, vers la douce voix de maman. Avec bien entendu ma cagoule de fée mangeuse de BN. « BOUH !! » Oh tiens c’est quoi ça ? Y a un microbe qui vient de se cacher derrière les jambes de papa et je l’entends pleurnicher. Je regarde mes parents avec une drôle de tête. L’air de dire, hé mais c’est qui le gringalet ? « Leeloo, je te présente ton petit frère : Sid. Sois gentille, il ne connait pas encore la maison. Et enlève cette cagoule. » Je m’exécute, m’approche de lui et lui tend la main. « Bonjour Tipiak. » Je sens les gros regards de mes parents sur moi. « Quuuooooiiiii ? Il a une tête de Tipiak. Et puis c’est mignon d’abord ! C’pas tête de piaf ou tête de poulpe ! » Ils se mettent à rire devant mes bêtises et papa s’agenouille à côté de Tipiak. « Sid, je te présente Leeloo. Ta grande sœur. Tu vas voir, elle est gentille, tu vas très bien t’entendre avec elle. » Je lui lance un grand sourire quand il me regarde. Ouais j’suis adorable ! Tout le monde m’adore ! Même Nemo, pourtant lui c’est un garçon qui dit ne pas aimer les filles. Mais j’ai même réussi à me faire adorer de lui. Tout le monde m’adore ! J’attrape la main de mon nouveau petit frère. Il vient d’un endroit inconnu comme moi. Achopté je crois qu’il est, un truc comme ça, comme moi en fait. En gros, ça veut dire que nos parents sont pas nos vrais parents mais comme ce sont eux qui nous élèvent et qui nous aiment ben ils sont nos vrais parents. Quoi c’est si compliqué à comprendre ? Tant pis. Donc je l’ai attrapé par la main, et je l’ai emmené dans ma chambre pour qu’on joue ensemble. Il faisait son timide au début, genre oh non, je ne veux pas parler, je ne veux pas bouger, je ne veux pas toucher à tes jouets… Mais tention hein, moi j’ai sortit l’artillerie lourde ! UN ACTION-MAN !!! Alors là, un immeeeeennnnnse sourire s’est dessiné sur sa petite bouille de Tipiak, il l’a prit et a commencé à jouer avec. Et voilààààà comment je maitrise la bête moi ! « Toi et moi on va être super frère et sœur, tu vas voir ! » Il a hoché la tête en souriant, très très vite. Et puis on a finit la journée en jouant ensembles. Il me plait bien mon nouveau petit frère !



JERRYTOWN, 21 mars 2005 – (16 ans)

« My girl, my girl, don't lie to me. Tell me where did you sleep last night? In the pines, in the pines, where the sun don't ever shine I would shiver the whole night through. My girl, my girl, where will you go I'm going where the cold wind blows. » Je m’arrête de chanter, qu’est-ce que c’est ? Ah oui, mon téléphone ! Nemo, ça tombe bien je voulais lui parler ! Je lis rapidement son sms, et je lui réponds en lui demandant de se ramener ce soir. S’il me dit non, je le trucide ! Et après je lui demanderais pourquoi il ne veut pas. J’ajoute un argument de choc à mon message : je lui promets qu’on va regarder Le Cinquième Élément. Il adore ce film, j’aime encore plus ce film, bref, nous aimons ce film. Il faut qu’il vienne, sinon je lui pique une méga crise (qui ne le fera pas changer d’avis en passant) et je l’emmerderais jusqu’à la fin des temps (même si ça c’est déjà prévu). Ah, sa réponse. Un grand sourire fend mon visage, oui il vient ! Super génial trop méga cool ! C’est digne de Pokémon ça. Bref, je cours au salon pour prévenir mes parents. Ils sont plutôt cools, tant que je ne détruis pas la maison, que je ne me tue pas ou que je ne tue personne. Non mais sérieusement, ils m’ont vraiment tenu ce discours un jour ! Bref, je me pointe devant eux avec un grand sourire. Ils regardent la télévision là. Une émission sur le réchauffement planétaire, je crois… enfin quelque chose qui là, m’intéresse vraiment peu. « Papa, maman ! » Je m’assois sur le canapé et les regarde avec mon grand sourire de petite fille parfaite. (Oui, je sais faire ce sourire, et non, personne ne tombe jamais dans le panneau.) « Qu’est-ce que tu veux Leeloo ? » « Oh mais moi aussi je suis ravie de te voir papa ! » Il tourne la tête vers moi et hausse un sourcil. « On s’est vus il n’y a même pas un quart d’heure quand tu courais dans toute la maison en hurlant que tu avais un rendez-vous avec Ryan. » Je le regarde quelques instants sans broncher. « Hm… Oui. C’est vrai. » Il repose les yeux sur l’écran de télévision. « Nemo peut venir ce soir ? On aimerait bien regarder un film. » « Lequel ? Le grand bleu ? » Je ris malgré moi, mais en affichant une tête désabusée devant le grand et fier sourire de mon paternel. « Ahah, très drôle papa ! » Il hoche la tête. « Mais oui, mais oui, il peut. Il est toujours le bienvenue. En plus ce soir nous sortons avec ta mère. Vous garderez Sid. » J’affiche un grand sourire et l’embrasse sur la joue. « Merci papa ! Et t’en fais pas, je le mets devant la bande à Picsou et c’est réglé ! » « Pas sûr que ton frère approuve. » « Je lui donne un playboy alors. » Ma mère me regarde de travers, et mon père et moi explosons de rire. Je lui lance un clin d’œil et retourne dans ma chambre en sautillant.

Nemo a dû arriver en même temps que mes parents partaient. Ceux-ci sont venus me voir dans ma chambre pour m’embrasser, me donner les dernières indications, et partir. Ils ont sûrement ouvert à Nemo qui n’aura même pas eu le temps de sonner. Parce qu’il a débarqué dans ma chambre au moment où je changeais de tee-shirt, tout en dansant sur I want to break free, de Queen. « Très sexy. » « AAAAAAHHHH !!!! » J’ai attrapé une peluche que je lui ai balancée à la gueule. « CRÉTIN TU M’AS FAIT PEUR !!! » Évidemment, lui est mort de rire. J’enfile rapidement mon tee-shirt et je lui mets une claque derrière la tête. « S’pèce de con. » Il continue de rire. En plus, quand Nemo rigole, c’est dur de ne pas rigoler avec lui. Il a un rire tellement particulier… qui monte dans les aigus, et tellement communicatif. Il m’arrache un sourire et je le pousse pour sortir de ma chambre. On a mangé juste avant que les parents ne partent. Comme ça ils sont sûrs qu’on mange correctement. Parce que selon eux, j’ai trop tendance à proposer des petits-déjeuners du soir. Mais c’est teeeeeelleeeeement boooonnnn ! Je lance le film, et tandis que Nemo s’affale sur le canapé, je vais chercher des boissons. Et je m’installe à côté de lui. Et je glisse discrètement un glaçon dans son dos. MOUAHAHAH !!! Vengeance ! Il se lève d’un coup, se met à crier, à sautiller. On dirait qu’il essaye d’imiter Michael Jackson ! Ou Claude François… ouais plus Claude François en fait. J’ai une Claudette en face de moi. Il se secoue dans les sens et puis il finit par retirer son tee-shirt en geignant comme une fillette. Et moi ? Oh moi je suis littéralement écroulée de rire sur le canapé ! Il s’arrête de bouger et me jette un regard sombre. Petit sourire angélique de ma part. « J’aime tes tatouages. » « Ouais c’est ça, essaye de m’amadouer. » Il se rhabille, me jette un regard suspicieux, attrape mes mains, les retourne dans tous les sens, et puis il s’assoit sans me lâcher du regard. « Je te surveille ! » Je rigole, puis j’hausse les épaules et me décide à regarder le film. « Aziz, lumière ! » « Ah non commence pas ! » « Quoi ? » « A faire tous les dialogues du film. » « Mais… mais j’aime ce film, et je connais toutes les répliques. » « Juste, tais-toi. » « Mais… Je suis Leeloo, je suis dans le film, c’est moi l’héroïne, c’est normal que je dise toutes les répliques. C’est genre, mon film. » Il rigole en secouant la tête. « T’es pas cette Leeloo toi. » « Mais siiiii ! J’suis rousse, j’ai les yeux bleus…. » « T’as les seins plus petits qu’elle. » « Connard ! » Et je lui file une claque derrière la tête. Nemo est encore une fois en train de rigoler. « Bon tais-toi, je n’entends plus. » Je dis ça, mais c’est moi qui parle le plus lors d’un film. Si bien, que souvent Nemo me balance un oreiller en pleine tête pour que j’arrête.

Film terminé, je m’assure que Sid est au lit. Même si je sais qu’il ne va pas s’endormir dans la minute, il va se relever pour lire ou je ne sais quoi d’autre. Bref, je n’ai pas trop de soucis à me faire avec lui. Je lui fais confiance. Bref, de retour dans ma chambre, je sautille dans tous les sens en faisant voler mes fringues dans tous les sens. Ce qui finit par agacer Nemo. « Tu vas enfin me dire ton problème ? » Je me retourne vers lui, il est installé sur mon lit et feuillette un magazine qui trainait là. Je le regarde avec un énooooorme sourire, et je m’exclame très très vite en tapant dans mes mains. « J’aiunrendez-vousavecRyan !!!! » Il hausse les sourcils, fait une tête bizarre, grimace, secoue la tête et puis finalement… « Quoi, tu peux répéter ? » « J’ai. » Je fais un pas en avant. « Un rendez-vous. » Je m’arrête devant mon lit. « Avec Ryan !!! » Et je saute sur lui. « Ryan ? » Je m’assois en tailleur et secoue la main devant moi. « Oh mais oui tu sais bien. Ryan, qui joue au football. Le cousin de Rebecca. Rebecca qui est en sciences avec nous. Non ? T’es nul tu sais. Bref, Ryan. Grand, brun, yeux verts, super beau, super sexy, il est venu me voir l’autre jour après son entrainement et m’a demandé si j’étais libre samedi soir. Hiiihiii !! » Il fait une petite moue et hausse les épaules. « Ouais ouais, je vois. Le gay de l’équipe de foot. Qui ne le connait pas ? Tout le monde sait ce qu’il fait dans les douches. » J’ouvre de grands yeux ronds tandis que Nemo se concentre sur le magasine. Ça ne l’intéresse même pas ! Il est sur une interview d’un vieux chanteur de merde r’n’b. C’est une copine qui a oublié son magasine dans ma chambre quand elle m’a fait faire le questionnaire. « Qu’est-ce que tu dis là ? Nemo ! NEMO ! » « Hm ? » « Fais pas le con et fais pas genre t’es trop emballé par ce chanteur merdique ! TU VIENS DE DIRE QUOI ? » « Ne crie pas, tu vas réveiller ton frère. » « TU VIENS DE DIRE QUOI DUCON ? » Il se met à rigoler parce que je l’engueule en chuchotant. « Il est gay. » Je croise les bras. « Même pas vrai. » « Tu lui sers juste de couverture pour pas que les autres de son équipe le traite de gay. » « Menteur ! » Je lui tire la langue. « T’es jaloux. C’est toi le gay en plus ! » Il se met à rire, encore. Il m’énerve à toujours rire comme ça quand je lui crie dessus ! Ce n’est pas équitable ! Je me lève du lit et retourne dans mon armoire. « Au lieu de jouer au con, aide-moi à trouver une tenue. Qu’est-ce que tu penses de ça ? » Je sors une petite robe noire très sexy et je la secoue devant moi. Il me dit non de la tête. « Trop… patate chaude. » Je rigole. « Patate chaude ? » « Ouais c’pour pas dire de mots interdits que Sid pourrait entendre. » Il hoche les épaules avec un air innocent. Bon sang qu’il est adorable. Je continue de rigoler en me retournant vers mon armoire. « Okay okay, pas de patate chaude. » Je lui montre plusieurs tenues différentes qu’il juge trop stricte, trop décontractée, trop enterrement… (je songe à me débarrasser de cette tenue). Bref, jusqu’au moment où je sors une dernière robe que j’adore. Nemo secoue alors activement la tête en croisant les bras. « Ah non non ! Tu vas le faire devenir hétéro ! Ne mets pas ça ! » Je rigole et fais ma petite moue « génial, j’ai trouvé. ». Je la pose sur ma chaise, fière de ma trouvaille. « Merci Nemo, tu m’as bien aidé. » Il est là, à faire sa mine boudeuse d’enfant pas content. « Je t’ai dit pas celle-là. » Je m’allonge à côté de lui et pose ma tête sur son épaule. « Mais elle me va bien ? » « Mfoui… » « Pardon ? » « Oui. » « Oui juste oui, ou oui super oui ? » Je me tourne vers lui avec mes yeux de chat potté. « Pff… oui t’es super belle dedans. » « Tant mieux ! » Je l’embrasse sur la joue et lui prend le magasine des mains. « Tiens, je vais te faire un test ! » Je ne le vois pas mais je le connais par cœur, là il roule surement des yeux. Mais il capitule, il capitule toujours. Ou alors il se casse. Ouais quand il ne capitule pas, il m’abandonne. Et comme là il reste, ben c’est qu’il capitule. « N’empêche que t’iras pas loin avec ce mec. » Je l’ignore. « Parole de moi ! » J’hausse les épaules en rigolant. Je m’en fiche de sa parole et de ce qu’il pense de Ryan. Moi tout ce qui m’importe, c’est que mon rendez-vous soit parfait !



JERRYTOWN, 12 novembre 2008 – (19 ans)

« OUUH ! Et moi j’dis que tous les lézards devraient avoir l’droit de garder leur queue !!! » « OOUUUAAIIIIS !!!! » Je lève ma bouteille de vodka en l’air en criant, les yeux fermés. Tout le monde crie avec moi. C’est la fête ! OUH ! Oh ça tourne. Faut que j’arrive à descendre de ce bar sans tomber… Aaah je glisse ! Mince on vient de me rattraper. Qui c’est ? « Salut beau gosse ! » Je pose ma main sur le torse de mon sauveur. « T’as assez bu ce soir Leeloo. » « On se connait ? » Il me pose par terre et me tourne vers lui. « C’est moi idiote ! » « Oh Nemo ! Tu m’as manquééééé ! » Il soupire et porte sa main à son front. « Faut que t’arrêtes pour ce soir. Ça suffit. » « Oh ça vaaaaaa. Détends-toi, pète un coup ! » Je secoue ma main devant lui et l’ignore. Je prends une nouvelle gorgée de ma boisson. Je grimace mais j’explose de rire. Il me prend la bouteille des mains, et même qu’il en renverse en même temps. Faut dire que je m’agrippe à ma bouteille, je ne veux pas la lâcher. C’est MA bouteille ! « Lâche ! LEELOO LÂCHE ÇA !! » « NOOOOON !!! » « Tu me fais chier sérieux !! » Il a lâché ma bouteille ! Il a lâché ma bouteille ! Il… part ? Pourquoi il part ? Hé oh, Nemo revient ! Oh… Nemo est partit… Baah, tant pis. « PARTYYYYYYYYYYYY !!! »

Aow ma tête… je porte ma main à mon visage. Ah c’est quoi ça ? J’ai mal partout… à la tête, au ventre… aux bras… partout. J’ouvre difficilement, très difficilement les yeux. Tout est blanc. Pourquoi j’ai des fils sur les bras ? « Leeloo. » Maman ? « Oh Leeloo, chérie, tu nous as fait si peur ! Comment te sens-tu ? » Même pas le temps de répondre, de toute manière je suis trop larguée pour dire quoi que ce soit… oh j’ai la bouche pâteuse. Mes yeux s’acclimatent doucement à la lumière de la pièce blanche. Un monsieur entre avec un air sérieux en tenant un… carnet ou je ne sais quoi dans ses mains. « Et bien, on peut dire qu’elle a eu énormément de chance ! Si ce jeune homme ne s’était pas trouvé là et bien… je n’ose pas imaginer ! » De la chance ? Elle ? Qui ? Moi ? Un jeune homme ? Qui ça ? Que quelqu’un m’explique bon sang ! « Ma petite fille… Docteur, va-t-elle pouvoir sortir ? » « Bien entendu. Nous lui avons fait un lavage d’estomac. » Berk… « Elle va être épuisée quelques jours. Mais si je puis vous donner un conseil… » Il fait un petit signe, et je vois maman sortir de la pièce. Mince papa aussi était là, il les suit. Impossible d’entendre ce qu’ils disent. Tant pis. Ils reviennent dans la pièce, le docteur me souhaite bon rétablissement et il s’en va. Et nous ? « On rentre ma puce. » Ah d’accord.

« Comment ça une cure de désintoxication ? » Je m’offusque devant l’air sérieux de mes parents. Je suis installée sur le canapé, une couverture qui recouvre mes jambes. J’ai envie de me lever, poings serrés et de filer dans ma chambre. Mais quand je me lève, j’ai la tête qui tourne. « Je ne me drogue pas ! » Ma mère hoche la tête avec un air compatissant. Ça m’énerve plus que tout. « On sait chérie, mais… » « Non ! Si vous savez, alors pas besoin ! » Je croise les bras et tourne le regard. C’est quoi cette journée de dingue ? Je me réveille dans une chambre d’hôpital, j’apprends qu’on m’a fait un lavage d’estomac et ensuite on veut m’envoyer en cure de désintoxication. POURQUOI ??? Moi, le dernier truc dont je me rappelle, c’est de la soirée. Quand Nemo a voulu me prendre ma bouteille et qu’il est partit. Nemo, où est-il en ce moment ? Je veux le voir. « Que tu en ais envie ou non n’est pas une option Leeloo Pia Poppy Scodelaryo. » Je grimace. Quand mon père m’appelle par mon nom au complet, c’est que quelque chose ne va vraiment pas. Je le regarde un peu en baissant la tête. « Tu as quand même frôlé le coma éthylique ! Il y a une leçon à retenir de tout ça ! Qu’essayes-tu de prouver en buvant autant ? Tu cherches à mourir jeune ? Tu n’en tireras aucune gloire, crois-moi. » Je secoue la main dans le vide. « Non, non. Pas du tout ! Ne dis pas n’importe quoi ! Je ne cherche pas à mourir, ni à prouver quoi que ce soit. Je voulais juste… je voulais juste m’amuser. » « Et regarde où ça t’a mené ? A l’hôpital ! » Je baisse la tête. Il a raison, j’ai été imprudente… « Je suis désolée, je ne recommencerais pas. Je ferais attention la prochaine fois. » « Il n’y aura pas de prochaine fois !!! » Je sursaute. « Tu iras dans cette cure ! Et tu auras beau me dire non, tu iras quand même ! Et quand tu en sortiras, tu me remercieras. Maintenant la conversation est close. » Je soupire. C’est vraiment trop nul ! Mais je sais qu’il a raison quelque part, et c’est ça qui m’énerve le plus. « Attends. » Je relève doucement les yeux vers lui. Il me regarde en haussant les sourcils. « Le docteur a parlé d’un… type qui m’a sauvé ? Qui est-ce ? » « Tu l’ignores ? » Il soupire face à mon ignorance. « Devine un peu qui tient suffisamment à toi pour ne pas te laisser mourir ? » « Euh… » Ma mère me sourit d’un air compatissant, maternel. « Nemo. » Mon père me lâche cette bombe et s’en va, retournant à ses occupations. Ma mère m’embrasse sur la tête et me laisse, elle aussi. J’envoie un message à Nemo. Répond, répond ! Il faut que je te voie. Aller Nemo répond ! Ne me laisse pas seule. Je soupire et laisse tomber mon téléphone entre mes jambes. Mes nerfs doivent être sensible aujourd’hui, j’ai presque envie de pleurer… Sûrement la faute de ce lavage d’estomac ! Oui ça ne peut être que ça.



JERRYTOWN, 18 novembre 2008 – (19 ans)

Ça fait plusieurs jours déjà que j’appelle Nemo, je lui envoie des messages, j’ai même eu sa mère au téléphone qui m’a dit qu’elle lui passerait le message. Ça fait une semaine que je ne l’ai pas vu. Je crois que je vais mourir… Est-ce qu’il m’évite ? Ai-je fait quelque chose qu’il ne fallait ? Ai-je dit un truc qui n’allait pas ? Je ne supporte pas ce silence ! Je ne tiens plus… Je n’ai pas été en cours de la semaine, et dans trois jours je dois entrer en cure. Mes parents m’y forcent… Mais je sais qu’ils le font pour mon bien. Ça m’emmerde c’est tout. Je dois voir Nemo avant ça, j’ai besoin de le voir ! C’est vital, c’est plus que vital. J’ai juste… besoin de savoir ce qu’il se passe. Ça peut paraître égoïste… mais je n’arriverais pas à entrer dans cette cure sereine si je ne sais pas pourquoi Nemo ne me répond plus. J’ai fini par craquer, vers 15h30 j’étais habillée et je me suis pointée devant ma porte. « Tu comptes aller quelque part ? » Maman. Je me suis tournée vers elle. Depuis mon retour de l’hôpital, je n’ai plus le droit de sortir de chez moi. C’est génial. Je vis en captivité. « Je vais voir Nemo. » « Je ne crois pas non. » Je me suis approchée d’elle. « Maman tu ne comprends pas. J’ai besoin de le voir ! » Elle m’a regardé quelques instants, semblant scruter mon regard. Et puis elle a soufflé très fort. « Bon, d’accord. Mais sois revenue pour 17h30 au plus tard. Ton père revient à 18h. » Je suis restée quelques instants sans bouger, le temps de réaliser. Et je l’ai embrassé sur la joue. « Oh merci merci maman, je t’adore, t’es la meilleure ! Promis je ne serais pas en retard ! » Et j’ai filé de chez moi, direction le lycée pour voir Nemo.

J’attendais devant le lycée, les mains dans mes poches, mon écharpe remontée jusqu’à mon nez et mon bonnet me recouvrant les oreilles. J’étais gelée, mais si je restais, c’était dans l’espoir de pouvoir enfin parler à Nemo. Et puis finalement, les gens ont commencé à sortir. Enfin ! Nemo où es-tu ? Et puis soudain je l’ai vu ! Il était en compagnie d’un mec, un ami à lui. Je me suis avancée un petit peu, sourire aux lèvres, sans le quitter des yeux. Quand il m’a vu, Nemo s’est d’abord arrêté avant de souffler quelques mots à son copain. Et puis il est venu me voir. Mon sourire a disparu devant son visage fermé. Il n’a pas l’air enchanté de me voir… « Coucou Nemo ! » J’ai quand même réaffiché un sourire sur mes lèvres. Ne manquerait plus que j’ai l’air triste à cause de lui. « Salut. » Waow… j’ai l’impression d’être avec un étranger. « Tu vas bien ? » Il hoche la tête. Ne sourit pas Nemo, c’pas grave ! Je vais me contenter de mourir de l’intérieur parce que tu me détestes et que j’ignore totalement pourquoi. On avance quelques mètres en silence. Et puis je craque, je m’arrête devant lui et le force à s’arrêter. « Je peux savoir pourquoi tu me rappelles pas ? Tu me réponds plus. Tu m’ignores totalement. J’ai fait un truc que je n’aurais pas dû faire ? Dis-moi parce que là j’en ai marre ! Je craque, j’ai l’impression que tu me détestes ! » Je ne le lâche pas des yeux, j’ai les sourcils froncés, les bras croisés, je tremble tellement j’ai froid. Mais je ne bougerais pas ! Je veux une réponse. Il m’observe quelques instants sans broncher… et puis finalement il tourne la tête, il regarde ailleurs avant de reposer les yeux sur moi. « Pas du tout, y a rien. » Et ? Quoi c’est tout ? Non mais en plus il essaye de repartir. Je pose mes mains sur son torse pour lui bloquer le passage. « Reste là ! Je t’empêcherais de partir jusqu’à temps que tu me dises la vérité ! Parce que là je ne te crois pas ! » Je le regarde droit dans les yeux. Je te connais Nemo NOMDEFAMILLE ! « … » Génial, l’entendre souffler est la meilleure chose qui soit… Ironie quand tu nous tiens. « Si tu ne veux plus me voir, il suffit de le dire. Enfin j’aimerais quand même savoir pourquoi. » « Mais je ne t’en veux pas ! » Ah bah enfin ! « Alors c’est quoi ça ? Ça fait une semaine que je t’appelle et RIEN ! » « J’avais besoin de… d’espace. » « D’espace ? » Je me mets à rire. Un rire nerveux, un peu jaune. « Nemo te fous pas d’moi. J’suis pas comme ces filles avec qui tu sors. Dis-moi la vérité merde ! » En plus il ne me regarde même pas. Il m’énerve !!! « NEMO ! » « Putain c’est bon j’vais te dire, j’ai eu peur okay !! » Je le regarde avec des yeux ronds. Peur ? Peur de quoi ? J’ouvre la bouche… mais aucun son n’en sort. Il pose son regard sur moi. « Tu ne te rappelles pas de la semaine dernière, à la fête ? » Là je commence à flipper intérieurement. Merde, que s’est-il passé ? Est-ce qu’on a… ? Oh mon dieu, pitié non, dites-moi que non ! Il doit remarquer que je panique parce qu’il sourit amusé. « Calme-toi, j’parle pas de sexe ou autre. » Wow, j’ai l’impression d’être libérée d’un poid. Mais alors quoi ? De quoi a-t-il eu peur ? « De quoi est-ce que tu parles ? » Il baisse la tête. « Je t’ai trouvé inconsciente, je t’ai amené à l’hôpital juste à temps… j’ai vraiment cru que t’allais mourir. Tes parents sont arrivés peu de temps après que je les ai appelés. » Je fronce les sourcils. « Mais tu n’étais même pas là quand je me suis réveillée. Tu n’es même pas venu demander comment j’allais !! » « J’ai attendu que le médecin nous dise que tu étais sortie d’affaire ! » Lui aussi hausse la voix. « Mais je voulais pas te voir dans cet état ! Putain Leeloo t’as été trop conne, je t’ai dit de t’arrêter, et t’as continué à boire quand même ! » « Je t’emmerde, j’ai pas été conne ! » « T’as failli crever !! » Ce qu’il dit me coupe le souffle. Merde il a raison… Je baisse la tête et fixe mes pieds, comme une enfant prise en faute. Je me mordille la lèvre inférieure. Je me sens tellement mal vis-à-vis de lui. « Je suis désolée. » J’ai une toute petite voix, et s’il a réussi à me comprendre ça relève du miracle presque. M’excuser est encore plus dur que de devoir affronter mon père en colère. Il me relève le visage en posant ses doigts sous mon menton, et il me sourit. Je prends encore plus conscience qu’il m’a terriblement manqué. « Je rentre en cure dans trois jours. » Il passe son bras autour de mes épaules et m’entraine à sa suite. « Tant mieux, l’alcool ne te va pas. » Il me lance un clin d’oeil moqueur. Je lui tire la langue. « Tu t’accroches hein ? » « Promis. » On marche un peu en silence, il me fait prendre le chemin vers chez moi. Il veut me surveiller comme si j’allais aller racheter une bouteille. Genre grosse alcoolique en manque ? Je ne bois que pendant les fêtes… un peu trop certes. Mais quand même ! « Alors t’as eu super peur hein ? Je savais que tu ne pouvais pas te passer de moi. Avoue-le que tu m’aimes. » Je me mets à rire et Nemo me claque l’arrière de la tête. Hé ! Normalement c’est moi qui fais ça ! « Je n’aurais plus personne à emmerder si tu n’étais plus là, je me ferais chier. » Enfoiré va. Ah, la maison. Alors c’est sur, j’suis dans les temps comme m’a demandé maman. « Ça va durer combien de temps ? » J’hausse les épaules. « J’en sais trop rien. Ils disent que c’est selon ma conduite, ma progression ou je ne sais trop quoi encore. Peut être trois mois. Sans visite, sauf de mes parents. Je vais mouriiiiiiir Nemo ! » Il rigole et me prend dans ses bras. Je me blottis contre lui. « C’est pour ton bien. A ton retour, je t’offrirais du jus de pomme. » « Haha, t’es con. » Trois mois sans voir personne, je recevrais mes cours par correspondance… pas de téléphone, pas d’internet, pas de famille, pas de Nemo… « Tu vas me manquer. » Il m’embrasse sur la tête. « Toi aussi. » Mais je suis une dure à cuire hein, je ne vais pas pleurer ! Je l’embrasse sur la joue et je rentre chez moi, soulagée et attristée à la fois. Ça va être dur, ça va être très dur sans lui…

JERRYTOWN, 23 janvier 2009 – (20 ans)

Je suis en train de pianoter sur mon téléphone quand Sid monte dans la voiture à mes côtés. « Hep ! » Je m’arrête pour le regarder quelques instants en silence, et puis j’explose de rire. « C’est quoi cette tête mon vieux ? On dirait qu’un pétard t’a explosé dans les cheveux ! » Il grimace. « Hinhin, très drôle. » Malgré tout, il s’aplatit du mieux qu’il peut sa tignasse rebelle. Papa et maman montent alors à l’avant. « Aller, en route. » Sid s’attache et se tourne vers moi avec un immense sourire qui lui fend le visage. Impossible de ne pas rire devant sa petite bouille réjouie. « Qu’est-ce qu’il t’arrive encore ? » « Rien… » Il tape en rythme sur ses genoux et puis d’un coup il claque ses mains et s’écrie : « Bon on y va ? » Je rigole et lui ébouriffe la tête, il déteste ça. « T’as l’air tout excité, calme toi, on dirait que tu vas avoir un chiot. » « Ben c’est presque ça. » Il rigole aussi. Sympa, il compare notre future petite sœur à un chiot. « Attends, ça ne sera plus moi le dernier. Tu vas arrêter de m’emmerder ! » « Ne compte pas trop là-dessus. » Je lui lance un clin d’œil complice. Et puis on est partis. On ne va pas à la SPA, oh ben non quand même pas ! Mais si j’ai bien compris, on récupère Manie à l’orphelinat avec ses affaires, et puis on va manger un bout. Ça tombe bien, je meurs de faim ! « Elle est comment au fait Manie ? » Je vois maman qui se retourne et qui me jette un regard étonné. « Bah ouais, comment ? Grande, petite ? Blonde, brune, rousse ? Yeux verts, bleus, marrons, violets, rouges, turquoises ? Bref, elle est comment ? Et caractèrement aussi ? » « Caractèrement ? Tu causes bien toi. Tu verras Leeloo, tu verras. » Okay d’accord, je vois, mystère total. Bon, je déteste attendre, mais vu que je n’ai que ça à faire… Je vais harceler Nemo par sms tiens, ça m’occupera.

Je mets un coup de coude à Sid. « Regarde, elle arrive. » « Et qui parlait d’être excité tout à l’heure ? » « Oh ça va hein ! » Une petite blonde s’avance vers nous, un léger sourire au coin des lèvres. Ça ne doit pas être facile quand même d’arriver dans une nouvelle famille… moi je n’ai aucun souvenir, j’ai été adoptée quand j’étais bébé. Sid, lui, est arrivé à cinq ans. Je me demande s’il se souvient de beaucoup de détails. En tout cas, il a beaucoup aimé mon action man et il jouait tout le temps avec. Bref, là y a Manie qui arrive dedans nous. Elle est trop meeeuuuugnonne !! J’ai presque envie de la prendre dans mes bras maintenant. « Manie, je te présente… » « Moi c’est Leeloo ! » Je m’élance en avant et la prend dans mes bras. Elle est un peu surprise mais elle se laisse faire. Puis Sid suit le mouvement. C’est trop solennel quand les parents nous présentent. « Aller viens, on va manger. » « Euh… d’accord. » Je l’attrape par la main et l’embarque jusqu’à la voiture.

« Et puis là, Sid s’est pris le frisbee en pleine tête et il s’est étalé par terre !! » Je suis écroulée de rire tandis que je raconte cette petite histoire. En fait tout le monde rigole, même Manie. Sid tire un peu la langue, mais il ne peut s’empêcher de rire aussi. « J’aurais dû le filmer et envoyer la vidéo à une émission comme vidéo-gag ou quelque chose comme ça. C’était épique !! » Je continue de rire, je n’arrive même plus à avaler mes frites tellement je suis pliée en deux. Et puis mon téléphone s’est mis à sonner. « Han, désolée. J’reviens. » Je me suis levée de table pour répondre à Nemo. En plus il m’appelait pourquoi ? Des conneries… pour me dire que Zadig avait perdu son caleçon. Je suis bien ravie de le savoir. Il était mort de rire et m’appelait juste pour ça. Et puis il a raccroché. Salopiaud ! Bref, je me suis rassise en soufflant. « C’était Nemo… si vous connaissez un bon hôpital psychiatrique, je veux bien leur numéro. » « Qui c’est Nemo ? » « Son copain. » « C’est mon meilleur ami, et pas mon copain. » Ai-je rétorqué en faisant les gros yeux à mon père qui se marrait dans son assiette. « Hm, ouais, c’est ce qu’ils disent tous. » Haann !! J’ai ouvert grand la bouche en rigolant, et tout le monde a explosé de rire. Okay j’vois le tableau, d’accord. Elle de la répartie la p’tite Manie ! C’est bon je le sens, on ne va pas s’ennuyer avec elle !



JERRYTOWN, 18 février 2009 – (20 ans)

« Leeloo ? » « Hm… » Je me retourne dans mon lit et pose ma couette sur mon visage. « Leeloo t’es sérieuse à dormir maintenant ? Il est quinze heures… » « Hmhpykph… » « T’as raison. » Je soupire. Plus de bruit, il a dû repartir… « YATAAA ! » « AAAH ! » Merde il vient de me sauter dessus ce con ! Je le pousse et me redresse en fulminant. « Mais je dormaaaiiiiis. » « Ouais, tu dormais. Tu ne dors plus. Et tant mieux, j’veux te parler. » « Pff… » Je me relaisse tomber sur mon oreiller et Sid s’installe à côté de moi. « Pousse ta touffe. » « Laisse-moi de la place. » « C’est un lit deux places, laisse-moi de l’oreiller. » « Laisse-moi de la couette. » « Bon ça suffit, stop ! Tu veux quoi ? » Il commence à rigoler et puis il tourne vers moi avec un regard sérieux en se calmant. « Non mais sérieux, je voudrais te parler. » « Je t’écoute petit padawan. » Il me regarde en haussant les sourcils. « J’ai regardé Star Wars hier soir avec Nemo et Jasper. Toute la saga. Je rêvais de sabres lasers et de Yoda quand tu es venu me réveiller. » « Ouais j’vois le genre. » Il rigole. « Bon en fait… y a un truc que je voulais vous dire, à tous, mais… je ne sais pas comment le dire… » Il pique ma curiosité. Je scrute son regard à la recherche d’un indice. « Euh, je suis… en fait, en couple… » J’hausse un sourcil, oui et ? Il s’arrête. D’accord. « C’est super, avec qui ? » Il pousse un énorme soupir. Il a l’air désespéré. « Han pas quelqu’un de plus vieux rassure-moi ?! » Il secoue la tête, offusqué. « Hé me prends pas pour n’importe qui. » « Bon alors, dis moi ! » Encore un énorme soupir. « Dorryan. » Pardon, tu pourrais parler plus fort ? « … Y a moyen que tu répètes mais avec un peu de son cette fois-ci ? » « Dorryan. » Un grand sourire fend mon visage. Et je vois au regard de Sid qu’il ne s’attendait pas à ce que je réagisse ainsi. « J’en étais sûre ! Ahah ! C’est super ! J’vous voyais tous les deux, genre super proches, super liés. J’sais pas mais ça se voyait. Haann c’est supeeeer !! Et qu’est-ce qui te flippe exactement ? Le dire aux parents ? Arrête, ils le prendront bien. Ils n’ont aucuns soucis avec ça. Leur ami là, Frédérique, le français, est gay et ça ne les empêche pas de l’adorer. Roh tu dois le dire ! Han c’est super génial !! » Je l’attrape et le serre contre moi en lui secouant les cheveux dans tous les sens. Il ne tarde pas à se dégager et à remettre ses cheveux « en place ». Ce qui bien évidemment me fait marrer. « Tu crois vraiment qu’ils le prendront bien ? » « Donne-moi une raison qui fait qu’ils le prendraient mal. » « … » Il réfléchit, ouvre plusieurs fois la bouche, et puis finalement rien. Il secoue la tête et hausse les épaules. « Ils vont être content pour toi. Tout ce qui leur importe, c’est ton bonheur. » « Et Manie ? » « Aucune idée, mais il faudra bien qu’elle s’y fasse. Sinon je lui botte le derrière avec son doudou qu’elle cache sous son oreiller pour faire croire qu’elle dort sans. » Il se met à rire avec moi et m’embrasse sur la joue. « Merci Leel’. » Je l’embrasse à mon tour. Et pour bien l’emmerder, je lui ébouriffe les cheveux avant de me sauver de mon lit et d’aller me chercher à manger. C’est pas le tout, mais j’ai faim moi !



JERRYTOWN, 12 mars 2012 – (23 ans)

« Tu fais quoi little sis’ ? » J’entre dans la chambre de Manie en toquant doucement au préalable à la porte. Non mais c’est qu’elle est capable de me renvoyer en sortant les crocs. Plus le temps passe, plus je me dis que waow… finalement elle fait bien partie de la famille. Je n’en ai jamais douté hein, mais elle est arrivée tard. Et je trouve qu’elle s’intègre très bien, elle nous ressemble quelque part, mais elle est unique. C’est difficile de ne pas l’aimer. Bon parfois c’est chiant de l’entendre s’engueuler sans cesse avec Sid… j’ai hésité plus d’une fois à intervenir avec une poêle, comme Raiponce ! Mais j’me suis alors dit que de les emmener à l’hôpital m’emmerderait encore plus. Donc je les observe se friter, y a des fois où je me paye de bons fous rires. Et quand j’en ai marre de les entendre, je me mets de la musique bien fort. Après ce sont eux qui finissent par craquer et ils viennent me demander d’arrêter. Héhé, je gagne toujours, oh yeah ! Je m’allonge sur son lit et la regarde s’agiter dans sa chambre. « Je prépare un truc. » Oui ça je m’en doute, j’ai apprit à te connaître ma blondinette. « Un plan machiavélique, un truc incroyable qui me fera dans l’histoire de Jerrytown. » Je rigole. Le plus amusant c’est qu’elle est sérieuse, elle veut vraiment que son nom figure dans les annales. Je continue de l’écouter amusée, quand mon téléphone sonne. C’est Nemo qui m’envoie une connerie, encore. Je me marre toute seule et je lui réponds. Immédiatement Manie s’arrête de parler. Ce silence me fait réagir, que se passe-t-il ? Je le regarde et un grand sourire fend son visage. « C’est Nemo ? » « T’es voyante ? » Elle vient s’installer à côté de moi sans quitter son sourire. Elle me fait peur cette gamine… Non mais je l’adore ! « Tu sais comment je sais que c’est lui ? » Je secoue la tête. « Non, mais tu vas me le dire. » « Parce que chaque fois qu’on parle de lui, ou que t’es avec lui, tu souris. » Je fronce les sourcils. « Quoi ? Non même pas vrai ! » Elle rigole. « Si, si. Et là t’es gênée. Non mais ne cherche pas, j’ai raison. » Je rigole. « Tu dis n’importe quoi. D’une : Nemo est mon meilleur ami. De deux : je vois quelqu’un. » Enfin voir quelqu’un… c’est un bien grand mot. J’ai couché une fois avec lui, et depuis je le fais languir. Je lui fais croire que oui, il aura ce qu’il veut, et bam ! Je le plante. Mais il s’accroche. Pourquoi pas hein ? Ça me divertit. Surtout quand Nemo traine avec sa blondasse. « Ah oui, qui ? » Son joli sourire a disparu. Ma sœur semble ravie pour moi… « Chandler. Pas sûr que tu le connaisses… ? Un grand blond, yeux verts, beau, bref. C’est un ami de Nemo. » J’accentue le mot ami, car ils ne l’ont jamais vraiment été en fait. Je les ai toujours connus en compétition. Je n’ai jamais compris pourquoi. Je n’ai jamais cherché à comprendre pourquoi non plus. « Celui du ciné de l’autre jour ? » Du ciné… je réfléchis un instant. Ah oui, il est venu me chercher à la maison pour m’emmener au cinéma. « Oui, c’est lui. » Manie croise soudainement les bras et secoue la tête. « NON ! NON ! NON ! » J’ouvre de grands yeux. « Quoi non ? » « NON ! NON ! NON !!! Il est moche, il est pas pour toi ! » « Non mais oh… » « De toute manière, c’est avec Nemo que tu dois être ! TU LE DOIS ! » Qu’est-ce qui lui arrive là ? « Moi j’le dis, vous êtes amoureux, voilà. Vous finirez ensembles, mariés, vous aurez des enfants, je serais une tata comblée. » J’explose de rire, en me tenant les côtes tellement je ris. « Je t’adore Manie ! AHAHAHAH !!! Mais Nemo et moi on ne se mariera pas, on n’aura pas de gosses. AHAHAHAHAH !! Et on n’est pas amoureux okay ? AHAHAH !! C’est mon meilleur ami. » Je l’embrasse sur le front tout en rigolant. « Bon aller, arrête de dire des bêtises et parle-moi de ton plan machiavélique. » Elle boude, je le sais. Je le vois à sa moue, mais malgré tout elle commence à m’expliquer son projet. Bon sang quel fou rire ! Nemo et moi amoureux… c’est tout aussi improbable que de vouloir accoupler une girafe et un agneau !



JERRYTOWN, 20 mars 2012 – (23 ans)

Je descends de la voiture et salue maman. Elle vient de me déposer au centre commercial. J’aurais aimé garder la voiture, mais là elle en avait besoin. Seulement il fallait que j’aille au centre commercial. Bref, voilà comment ma petite maman m’y a déposé. Et pourquoi je devais y aller ? Pour m’acheter une robe déjà, et des chaussures. J’ai envie de nouvelles chaussures. Et puis bon, tant qu’à faire autant voir du monde. Nemo m’avait demandé d’y venir. J’y suis donc allée une heure à l’avance pour m’acheter ce que je souhaite. Bref, voilà comment je suis arrivée au centre commercial, voilà pourquoi j’ai tourné dans les magasins, voilà comment j’en suis arrivée à ressortir avec des sacs contenant une robe, des chaussures à talons, une ceinture qui irait bien avec cette robe et quelques accessoires bijoux fantaisies. Rien de bien essentiel en soi, mais j’ai craqué. Et puis je suis allée rejoindre Nemo là où il m’a dit qu’il m’attendait. Pas loin du marchand de glace. C’est de la torture psychologique Nemo ! Il sait pertinemment que je n’y résiste pas. Je vais encore dépenser bêtement de l’argent pour quelque chose dont je n’ai pas besoin, je n’ai même pas faim, mais j’en ai envie ! Lalala, la vie est belle, j’vais avoir de la glace et voir mon Nemo ! Oh je le vois. Je m’approche en trottinant, grand sourire aux lèvres. Et puis… QU’EST-CE QU’ELLE FOUT LÀ LA BLONDASSE ??? Bordel elle est encore plus moche de près ! La fille qui voulait ressembler à un panda… Je m’approche en pinçant des lèvres. Je déteste Nemo ! L’enfoiré, il sait très bien que j’ai en horreur sa poupée, sa… moui bon, restons polie. Et il me demande de venir alors que pot de peinture est là !!! J’vais le massacrer ! Hop, coup de sacs dans le dos de la blondasse. Mange toi ça connasse ! « Héé ! » Je roule des yeux. Non mais vraiment, qu’est-ce qu’il lui trouve ? Ou qu’est-ce qu’il ne lui trouve pas ? Des vêtements ! Il n’en trouve pas sur elle. Ben quoi, elle sort quasiment nue de chez elle. Aucune honte, aller tous à poils, c’est la fête du zizi, wouhouh ! « Tu peux pas faire attention ? » « Oh ta gueule Dorice ! » « Je m’appelle pas… » « Rien à foutre. » « Non mais arrête ça ou… » « Va bouffer du bambou le panda. » Même plus envie d’écouter sa voix moche et nasillarde. Je regarde Nemo qui est mort de rire. Quel con lui aussi ! « Nemo ! » Il la regarde en haussant un sourcil. « Pourquoi tu rigoles ? Tu DOIS prendre ma défense face à cette… cette… » Je me retourne vers elle avec un regard assassin. Cette quoi hein ? C’est quoi ce ton condescendant. Fais le moindre faux pas blondie, et j’te loupe pas face de poisse caille ! « Cette putain ! » J’ouvre grand la bouche et puis je ne réfléchis plus. BAM, je lui écrase mon sac en pleine face. Quel sac ? Celui qui contient mes chaussures, ben oui ce n’est pas marrant sinon. Elle vacille mais arrive quand même à se rattraper pour ne pas tomber. « CONNASSE !!! Moi au moins quand je sors, je suis HABILLÉE !!! » Je me retourne vers Nemo, folle de rage. « Tu savais qu’elle serait là cette conne quand tu m’as dit de venir ? Et puis pourquoi tu restes avec elle hein ? Tu ne l’aimes pas, elle est moche, elle pue, elle n’a pas de seins, elle a un cul plus gros que la couche d’ozone et ses cheveux, ça se voit, c’est une postiche ! » Je souffle et balance mes sacs par terre. Je suis énervée. Et Nemo se marre. Je vais l’étriper ! J’en ai ras-le-bol qu’il rigole chaque fois que je m’énerve ! « T’as gueule ! Ça fait un an qu’on est ensembles et on s’aime ! » Je la regarde comme si elle venait de parler extraterrestre ou je ne sais quelle autre connerie. « Te fous pas d’moi. Vous êtes ensembles seulement quand Nemo veut te baiser. Et puis il m’a dit l’autre jour qu’il ne t’aimait pas. » Faux. « Tu mens, il… » Je la regarde avec un petit sourire perfide. « D’ailleurs à ce moment-là il ne pensait plus vraiment à toi. Il était bien trop occupé avec moi. Si tu vois ce que je veux dire… » Je la regarde victorieuse. Elle me déteste, je le sais. Nemo ne dit rien, et encore heureux ! Ne manquerait plus qu’il casse mon effet de vengeance. C’est un terrible mensonge, mais elle n’a pas besoin de le savoir. En fait cet idiot est en train de rire de nous. J’te jure Nemo, dès qu’elle a débarrassé le plancher, j’te tue ! Elle serre les poings, son visage se crispe. Mon dieu, elle est encore plus moche ainsi. Elle s’élance en avant et fout une méga claque à Nemo ! Et puis elle se barre en courant. J’aurais tellement aimé qu’elle s’étale par terre avec ses talons de 80 cm de haut, mais non… tant pis. Je me tourne vers Nemo et lui met un coup de poing dans l’épaule, suffisamment fort pour lui faire mal. « T’es trop con !!! » « Hahaha ! Attends pars pas ! Héhéhé !! » Je rattrape mes sacs, et je m’en vais. Il m’a énervé pour la journée. Je ne veux plus le voir, c’est décidé ! Pour aujourd’hui du moins…


JERRYTOWN, 24 mars 2012 – (23 ans)

« Hey Leeloo ! » Je relève la tête mon téléphone. Qui m’appelle ? Et non, je ne suis pas toujours branchée sur mon téléphone. Mais là j’étais dans une discussion passionnante (et surtout délirante) avec Jasper. Donc forcément, je ne regardais pas vraiment autour de moi. Sauf pour traverser, ou pour éviter de me cogner contre quelque chose ou quelqu’un. « Leeloo ! » Je tourne la tête vers ma gauche. Mon dieu y a une terrasse pleine de gens. Qui m’appelle bordel ?? Je dois avoir l’air perdu parce que là j’entends quelqu’un se marrer. « Je suis là. » Y a un bras qui se lève et qui me fait coucou. Oh, Chandler. Et dire que j’en parlais l’autre jour à ma sœur, en lui disant que je le "fréquentais". Ça fait très terme… de vieux presque. Quand ils disent « hm, c’est mon ami. » oh oui moi aussi j’ai plein d’amis ! « O_O » Ah ce genre d’ami ? Euh non en fait, tu peux m’appeler Rémy. Chandler se lève et me fait la bise. La bise ? Lui c’est quand ça l’arrange. Parfois il décide de m’embrasser, parfois il me fait la bise. Personnellement, je voudrais qu’il ne m’ait même pas vu ! « Tu viens t’assoir ? » « Euh… » Trouve une bonne excuse. Tu dois récupérer ta sœur à la boxe même si elle n’en fait pas, ton frère se fait opérer des cheveux, ta mère a besoin de toi pour dévaliser un magasin de tampons, ton père veut t’apprendre l’art du revirement de situations, Nemo… C’est Nemo là-bas ou je rêve ? J’y crois pas, il est encore avec sa blondasse !! « Oui, bien sûr ! » J’affiche un grand sourire à Chandler et je le suis. Je m’assois à côté de lui, rapprochant ma chaise de la sienne. Mais qu’est-ce que je fais ? Ce mec m’énerve… enfin il est sexy et tout ça, mais bon… Je range mon téléphone dans ma poche. « Alors, tu m’as pas rappelé depuis l’autre fois. » « J’étais occupée… les cours, tout ça, tu sais. » Il hoche la tête et me regarde en souriant. Quoi ? J’ai un truc sur le visage ? « Chaque fois que je te vois, tu m’éblouis un peu plus. » Je pouffe de rire. « Oh je t’en prie, ça fonctionne vraiment ce genre de phrase ? » Il rigole. « Avec les filles crédules. » « Ah ouais, donc en fait tu m’as prise pour une idiote ? Ouais je vois, je vois. » « Mais non, je savais que tu réagirais. » Il pose sa main sur ma cuisse. Okay, bon, il va un peu loin et je n’ai pas franchement envie de lui maintenant. J’attrape sa main et la repousse, en lui souriant. « Bon, quoi de nouveau de ton côté ? » « La routine, rien à dire… » Il se rapproche dangereusement de moi là. Hm, que faire ? « Et quel genre de rout/ » Et il m’embrasse. Ah d’accord. Je résiste ou pas ? En même temps, je mentirais en disant qu’il embrasse mal. Oh et puis chiotte. Je pose mes mains sur ses joues et je lui rends mon baiser. Rien à foutre que Nemo ne l’aime pas et qu’il puisse nous voir. Et puis tant mieux même ! Il traine bien avec sa blondasse de merde ! Et puis avec Chandler on ne s’ennuie pas. Wow c’est quoi ça ? Je vois Chandler qui s’éloigne rapidement, et puis il a l’air surpris. Et… PAF ! « Oh mon dieu, Nemo ça va pas ! » Il vient de lui mettre un méga coup de poing en pleine face. Et dieu sait que Nemo tape fort. Je m’élance en avant et pousse Nemo en lui tapant le torse. « T’es malade ! » Je m’accroupis près de Chandler qui se frotte la mâchoire. « Est-ce que ça va ? » « Hm… ouais. » Je regarde Nemo en fronçant les sourcils. « Qu’est-ce qui te prends hein ? T’as perdu la tête ? » « Quoi ? J’avais les nerfs, j’devais me défouler ! Je vous ai vu et tu sais ce que je pense de ce con ! » J’ouvre la bouche abasourdie. Et sa blonde derrière qui regarde la scène en se marrant. Je me redresse et je fais face à Nemo en pointant mon index sur lui. « Et ben t’avais qu’à te défouler sur ta pouffiasse !!! Mais Chandler ne t’a rien fait !! » Il serre les poings et son regard est dur. « Quoi, t’as encore besoin de te défouler ? Tu vas me taper ? » J’avoue que j’appréhende un peu qu’il me frappe… mais c’est Nemo, il ne m’a jamais frappé. Pas comme ça. Il me fixe avec son air méchant, et puis d’un coup il fait demi-tour et s’éloigne à grands pas. « Mimi, amène-toi. » « Pourquoi tu l’as tapé ? » « Ferme-la ! » Et ils s’en vont. Je crois que j’ai eu peur… je sens ma respiration se calmer. Je me retourne vers Chandler qui est toujours au sol. « Tu te sens bien ? » Il me sourit. « Oui ça va. Où en étions-nous ? » Il n’espère quand même pas qu’on va remettre ça ? « Pff, t’es con. » Et je m’en vais. Cette journée, c’est n’importe quoi ! Faut que je demande à Jasper de me décrypter le comportement de son frère. Je ne le reconnais plus depuis quelques jours…