"On me dit que nos vies ne valent pas grand chose, qu'elles passent en un instant comme fanent les roses." Ma vie, je ne l'ai pas vu passée. Du moins, je ne me souviens que vaguement de mon enfance. Il faut dire qu'après ma naissance, à Novossibirsk, je n'ai pas arrêté de voyager avec mes deux parents. Riche, je le suis, et j'assume entièrement. Après tout, cela n'est pas une défaut mais j'ai tout fait pour être une fille agréable et obéissante. J'étais douce, tendre et sans forcer le trait. J'aimais être la petite fille à son papa, et cela faisait plaisir à mes deux parents. Nous nous installâmes tous à Londres pendant trois ans alors que je devais rentrer au collège. Ma tête était ailleurs, tout comme celle des élèves. Ils pensaient déjà à être grand, à coucher ensemble, et je restais dans mon coin, effrayée par cette mentalité. Que faisais-je ? Travailler et me faire belle. Pourtant, je n'eus aucun problème à être aimée, mais être riche a plus d'avantages que tout ce que l'on pourrait penser. Plus le temps passait, plus je me sentais bien dans ma peau. On m'acceptait réellement et même si c'était pour de mauvaises raisons, je m'en fichais. J'ai toujours eu un problème avec ma personne, me sentant trop mal aimée alors que j'avais grandi avec autant d'amour que d'argent. Sans doute l'un des détails de ma naissance a du, à jamais, me marquer. Mon frère jumeau n'a pas vu le jour, et seul moi ait survécu à l'accouchement. Ce qui est comique est de savoir qu'ils désiraient surtout un garçon puisqu'ils avaient déjà une fille. Ma grande soeur qui partit rapidement de la maison, jeune, avec un russe sans laisser ne serait-ce qu'une trace à mes parents. Ils lui en avaient voulu, et c'est pour cela qu'ils m'ont chouchoutée comme personne.

Puis, il y a un an, mes parents et moi-même avons emménagé dans une ville bien étrange. Jerrytown est pourtant une ville qui a connu bon nombre de scandales, et qui interpelle bon nombre de chercheurs. Mes parents, curieux et aventuriers, ont osé l'aventure à leur péril. S'ils ne furent pas touchés par le fléau, il semble que leur adorable fille le fut. Depuis quelques mois, j'ai changé. La timide vierge est devenue une sacré gonzesse culottée et sarcastique, garce sur les bords et qui ne cherche qu'à satisfaire son propre bonheur, et celui de ceux qu'elle aime, malgré leur nombre réduit. Le nombre de mes conquêtes nocturnes dépasse mes espérances, et je me noie, sans compter, dans la musique, dansant, chantant, me trémoussant comme ces nouvelles chanteuses pathétiques qui pensent que chanter représente s'habiller comme une prostitué et être retouchées en studio d'enregistrement. J'assume pleinement être une jeune adolescente qui grandit de plus en plus, avec le feu dans le regard. Si j'ai peur ? Bien entendu car au fond, je reste cette fragile jeune fille qui attend qu'on lui donne un amour autre que parental, un vrai qui brisera ce sort, brisera cette carapace incassable. Pour l'instant, rien ne semble entraver mes desseins, même si la fête semble être le mot d'ordre. Pourvu que cela s'arrête.