On est tous des mamifrères. . . J’ai garé la voiture un peu n’importe comment quand je suis arrivée devant la maison. Je me demande encore comment j’ai fait pour prendre le bon chemin sans me perdre, ni tuer personne… je n’arrivais pas à me sortir Nemo de la tête. Mais pas seulement Nemo, ce qu’il vient de se passer avec lui. Et la tête qu’il a faite en me voyant… Je pose ma tête contre le volant. Il n’a pas le droit de me faire ça ! Il n’a pas le droit de m’embrasser comme ça et d’ensuite se sauver sans rien dire… excepté un misérable désolé. J’en veux pas moi de ses désolés ! Je m’en fiche qu’il soit désolé ! Ou qu’il regrette, il n’avait qu’à pas faire ça ! Et puis on n’embrasse pas quelqu’un comme ça pour regretter ensuite. Il croit que c’est un jeu c’est ça ? Il a oublié de me mettre au courant des règles, moi je ne joue pas… Je suis complètement larguée. Je renifle, je me redresse et je regarde mes mains posées sur mon volant d’un air dépité. Pourquoi, pourquoi, pourquoi ? Cette question tourne en boucle dans mon esprit. Et chaque fois que je repense à Nemo, à ses lèvres, à ses mains… Je secoue la tête et pose ma main sur mon ventre. A chaque fois ça me retourne l’estomac. Pas dans le sens, oh je vais vomir. Mais… je ne sais pas, c’est bizarre. Ah j’en ai marre ! Je tape le volant rageusement et je sors de la voiture. Il faut que je fasse un truc, n’importe quoi. Je rentre après avoir verrouillé ma voiture. « Y a quelqu’un ? » Je balance mes clés sur la petite table dans l’entrée. « Manie ? Sid ? » Je ne demande pas après les parents, ils sont de sortie aujourd’hui. Je soupire. Personne, d’accord. Je fais un détour par la salle de bain pour mettre mon maillot de bain à tremper dans l’évier, et étendre la serviette… de Nemo. Je reste quelques instants sans bouger en la fixant. Mais ce n’est pas sa serviette aux motifs du roi lion que je vois… c’est Nemo qui m’attrape et qui m’embrasse… Non mais réveille-toi Leeloo ! Qu’est-ce que je fais ? Chaque fois que je repense à ses baisers je pose mes doigts sur mes lèvres, je dois arrêter ça ! Je secoue la tête, une énième fois. Sors de cette salle de bain, arrête de regarder ce stupide bout de tissu. Je file dans ma chambre pour balancer mon sac par terre et me laisser tomber sur mon lit. Sur le ventre, le visage dans l’oreiller. Je tâtonne de la main et attrape mon doudou que je sers tout contre moi. Un vieil ours vert avec une petite robe claire. Et là en fermant les yeux, je n’arrête pas de revivre ce moment. Encore et toujours. POURQUOI A-T-IL FAIT ÇA ??? Je me secoue dans tous les sens, tapant mon matelas des mains et des pieds en hurlant aussi fort que possible (le visage toujours enfoui dans mon oreiller). Je me relève d’un coup en délaissant mon nounours, j’ai les cheveux dans la figure, je dois avoir l’air d’une folle. Je veux me changer les idées ! Je me lève et quitte pour mon lit pour le salon. Enfin d’abord la cuisine, où je me sors un bol et un pot de glace à la vanille et pâte de cookies. Je m’en verse généreusement dans mon bol, voire même trop généreusement… ! Y en a suffisamment pour deux. Je me prends une petite cuillère et… ah, la sauce chocolat ! Et je vais au salon. Je pose mon… repas/goûter/moyen-d’oublier-mes-soucis sur la table basse et je pose mes fesses par terre devant le tiroir à DVDs. Je vais regarder quoi ? Le Mask… non je n’ai vraiment pas envie de rire là… Il n’y aurait pas un truc pour m’achever, me faire chialer un bon coup et qu’on n’en parle plus ? Just Go With It… non ça se termine trop bien. Ma vie pour la tienne, non vraiment trop triste. Tiens l’intégrale de Friends ! Mais non. Star Wars… hors de question. J’adore, mais Yoda va me faire penser à Jasper. Et qui dit Jasper, dit Nemo. Et là, je veux l’oublier. Juste l’oublier, le temps de reprendre mes esprits. Edward aux mains d’argent… non. Trop pas assez ce que je recherche. Qu’est-ce que c’est ça ? Connais pas, sûrement à papa. The Notebook… rah j’aime tellement ce film. J’hésite… Pff… Bon aller, qu’est-ce que ça peut me faire à part pleurer pendant une demi-heure comme à chaque fois ? Je mets le DVD dans le lecteur, et je lance le tout. Je m’installe sur le canapé, ramenant mes jambes sous mes fesses. Une couverture recouvrant mes pieds, mes jambes et j’attrape mon bol. Je verse plein de chocolat sur ma glace. Hm, oui ça va me faire du bien ça ! C’est partit le film commence. Une heure plus tard, le film bientôt terminé, ma glace achevée et mon bol de nouveau remplit, et les larmes dévalant mes joues à cause de ce film merveilleux, j’attrape un oreiller pour y pleurer (et m’y essuyer mes larmes). La porte d’entrée s’ouvre alors, et je reconnais la voix de Sid. Il est en train de chantonner. J’attends quelques instants, et puis je le vois s’avancer. Là il s’arrête et me regarde quelques instants sans comprendre. Je relève le nez de mon oreiller et pointe l’écran du doigt. « C’est beau. » Je l’entends déjà me dire, si c’est beau pourquoi tu pleures ? Ah mais oui, mais c’est la beauté du film qui me fait pleurer. Je pose mon bol sur la table et lève les bras vers Sid. « Câlin ? » J’ai l’air d’une gosse. Mais là j’ai besoin d’un câlin de mon frère. Avec lui, j’arrive à me calmer. Il est un peu comme une peluche version grandeur nature. C’est ma peluche.

On est tous des mamifrères. . . « C’est beau. » J’arrive presque au bout du film. Ally vient de se souvenir, et moi je pleure comme une idiote toutes les larmes de mon corps. Ça fait rêver un peu une histoire comme ça. Enfin non, pas un peu, ça fait complètement rêver. Elle rencontre un mec qui tombe fou amoureux d’elle, et puis elle tombe elle-même folle amoureuse de lui. Ils vivent un été parfait, sans ombre au tableau. Si ce n’est leur caractère de merde. Mais c’est justement de les voir surmonter ce caractère de merde qui rend la chose si belle. Et puis, ils sont séparés pendant des années, et il lui construit une maison, et elle va le retrouver, et ils s’aperçoivent qu’ils n’ont jamais cessés de s’aimer, et elle repeint, et elle le choisit lui, et puis… et puis… « Tu pleures parce que c’est beau ? » J’hoche la tête. C’est bien un truc de mecs de ne pas comprendre la beauté de ces films. Nemo non plus n’y comprend rien. Oh non, je devais arrêter de penser à Nemo ! Je crois que j’ai choisis le mauvais film de toute façon… je n’ai pas arrêté de penser à lui pendant plus d’une heure. Je crois… je crois que c’est à cause de leurs disputes, leur façon de se battre… on agit pareil. Je renifle bruyamment, il doit sortir de ma tête ! Je lève les bras vers Sid. « Câlin ? » Il m’affiche un grand sourire et vient s’assoir à côté de moi, se recouvre de la couverture et me serre contre lui. Je passe mes bras autour de sa taille et pose ma tête contre son épaule. Les câlins de mon petit frère arrivent toujours à m’apaiser. Mon petit frère… ironique quand on y pense. Il a beau n’avoir que cinq ans de moins que moi, je suis forcée maintenant de lever la tête pour lui parler. Et oui il me dépasse largement en taille. Il est grand ce bougre ! Et pas qu’à cause de ses cheveux en plus ! Même si ça rajoute quelques centimètres, il faut l’avouer. « Pourquoi tu pleures ma Leeloo ? » J’hausse les épaules en reniflant. A cause du film, c’est ce que j’ai envie de répondre. C’est vrai, ce film me fait pleurer. Mais il n’y a pas que ça… je crois… je crois que Nemo m’a bouleversé. Je n’ai pas envie de répondre. Je serre Nemo, euh non… ! Sid ! Je serre Sid un peu plus contre moi, comme s’il était ma peluche, mais sans lui faire mal. Putain Sid, pas Nemo. Sors de ma tête toi ! Il se passe quoi là dans le film ? Oh non Noah a son attaque cardiaque, ils l’emmènent à l’hôpital… Je crois qu’ils vivent toujours dans sa grande maison, non ? J’ai toujours eu l’impression que la maison de retraite, c’est celle qu’il avait retapé, mais réaménagé. Soit je me fais des idées et alors ça y ressemble, soit c’est ça. Mais le jardin, la vue, tout est identique. Je suis certaine que c’est ça. « C’est un garçon c’est ça ? Si tu veux je lui envoie Dodo pour lui faire la misère !! » Je rigole en essuyant mes larmes. Je regarde mon petit frère, il est adorable. Je l’aime, je ne sais pas ce que je deviendrais sans lui. Une loque, ouais surement. Je me redresse un peu et l’embrasse sur la joue, puis je repose ma tête sur son épaule. Je m’apprête à lui dire que c’est le film, rien que je le film qui me fait pleurer, mais il reparle avant moi. « C’est Nemo hein ? » De quoi ? Je ne sais pas ce qu’il m’est arrivé, comme un déclic, mais j’ai fondu en larmes. Mince, comme une idiote. J’ai repris mon coussin pour enfouir mon visage dedans. J’ai relevé le visage vers mon frère en secouant activement la tête, sans jamais cesser de pleurer. « No… o… o… on… nooon… » Je continue de secouer la tête, en bégayant de drôles de non et en sanglotant. Sid me serre contre lui en me caressant les cheveux. J’aimerais pouvoir le regarder en souriant, et lui dire d’une voix claire et sûre que non, non je ne pleure pas à cause de Nemo. Et pourtant, il a suffit qu’il prononce son nom pour que je fonde en larmes. J’attrape le tee-shirt de Sid entre mes doigts et le froisse en posant mon visage contre son épaule. C’est injuste. Et là j’entends la musique du générique du film. C’est terminé déjà ? Je me redresse, les yeux tout rouges, en reniflant, je m’essuie mes larmes de la paume de mes mains. Je ne ressemble plus à rien… si j’ai déjà ressemblé à quelque chose. Sid ne dit rien pour l’instant, il me regarde avec ses yeux compatissants. Oh non je connais ce regard. C’est celui qui veut dire « arrête de pleurer ou je pleure avec toi. ». Sauf que s’il se met à pleurer, je vais pleurer encore plus. Parce que quand Sid pleure, je pleure. Mais quand je pleure, il pleure. Bref, on pleure ensemble. « C’es… est… pa… pas Ne… pas Nemo… » Je renifle encore. Et puis je repars dans un sanglot qui me secoue les épaules. Je me sens si nulle à pleurer ainsi ! Je crois que je suis en train d’évacuer toute ma colère, ma frustration, mon incompréhension et ma tristesse à ce moment précis. Je me lève en tremblotant, à cause de mes pleurs. Je sors le DVD du lecteur et le range, et j’en remets un autre. PS: I love you. Je suis partie pour pleurer deux bonnes heures. Non pas qu’il soit triste tout du long, il y a des petits moments amusants, mais il est triste quand même. Je me rassois à côté de Sid en sanglotant, me recalant dans ses bras. « On… on r’gar… r’garde… PS: I… love you… » Ce n’est pas franchement une question vu que je l’ai démarré. Je regarde mon bol et hésite à le reprendre. Non, là je n’arriverais pas à manger. Je vais juste tremper ma glace avec mes larmes. Je regarde Sid et tente un sourire, mais ce n’est pas très concluant… on dirait une grimace.