Je crois que tout a commencé avec une histoire de toilettes. Si, si, je vous jure ! Ce genre de moment dont on ne prend pas conscience tout de suite. On se dit que ce n'est rien, que ça va passer, mais en réalité, c'est à ce moment très précis, à cet instant là, que votre vie change à jamais. Pour moi, c'est une histoire de chiotte qui a tout changé et je crois que jamais, ô grand jamais, je ne me ferai à cette idée...

PART I ♦ Il y a un adage qui dit qu’on fait toujours du mal à ceux qu’on aime mais il oublie de dire qu’on aime ceux qui nous font du mal.

"- Alors Danamoche, on a sorti les bigoudis aujourd'hui ?". Voila le genre de phrases que j'avais l'habitude d'entendre étant petite. Bien qu'aujourd'hui, ma soeur et moi nous ressemblons énormément - normal puisque nous sommes jumelles - petites, il était impossible de nous confondre. Luna était l'enfant parfaite, douce, gentille, belle et quelque peu timide. Moi, j'étais la gamine avec des hublots sur la gueule, celle dont on se moquait dans la cours de récréation. J'étais le boulet de service, la gamine qui servait de souffre douleur. Je suis loin d'être fière de l'image de moi-même que je renvoyais lorsque j'étais petite. Mais je crois que c'est un peu ce qui a forgé mon caractère. Aujourd'hui, je peux combattre les pires insultes, elles ne m'atteignent plus. Je pense sincèrement que cette force me vient de cette période noire de ma vie. Pourtant, à l'époque, il n'était pas rare que je rentre à la maison, complètement en larme. La plupart du temps, personne ne s'en apercevait. Je souffrais en silence, mon père étant trop obnubilé par ma soeur jumelle. Il est vrai qu'elle a toujours été la plus fragile de nous deux, mais même lorsque je doutais de moi, même lorsque j'étais au plus bas, je n'ai jamais rien demandé à mon père. Je me suis toujours débrouillée par moi-même. C'est peut-être pour ça qu'aujourd'hui, je lui en veux tellement d'avoir demandé de l'aide à papa...

PART II ♦ C’est seulement quand on a tout perdu qu’on est libre de faire tout ce qu’on veut.

Ce jour là, je m'en souviendrai toute ma vie. Je venais de fêter mes dix ans et alors que l'anniversaire bâtait son plein, je m'étais éclipser pour me rendre au cimetière. Venise n'est pas une très grande ville et je connaissais les rues mieux que personne. Je n'avais aucun risque de me perdre. J'avais longtemps marché, sans même faire attention où je mettais les pieds. C'était instinctif, je connaissais cet emplacement mieux que personne. Une fois arrivée, je restais quelques secondes silencieuse, avant de m'agenouiller, posant une rose, une simple rose, sur la pierre froide et lugubre. "- Salut maman...". C'était dur. Je savais que dans quelques secondes, je serais en larmes, mais j'avais besoin de me retenir le plus longtemps possible. "- Aujourd'hui, j'ai dix ans... Dix ans tu te rends compte... Dix ans que tu es partie... que tu n'es plus là...". Je soufflais un bon coup, avant de reprendre calmement. "- Je ne t'ai jamais connu et pourtant, tu me manques, tu me manques tellement, si tu savais...". Je sentais les larmes dévaler mes joues, mais ne m'arrêtais pas pour autant. "- J'aimerais que tu sois là, que tu sois prêt de moi, que tu sois fière de moi... c'est pour ça qu'aujourd'hui, j'ai pris une grande décision...". Je soufflais une nouvelle fois, me donnant du courage. "- J'ai décidé de changer maman, de ne plus être cette fille dont on se moque, de prendre ma vie en main, comme dit papa...". Ouais, c'était ça, exactement ça. Ce jour là, tout changea. Je quittais ma naïveté et mon insouciance pour devenir un prémisse de ce que je suis aujourd'hui. Plus jamais, ô grand jamais, personne n'osa se moquer de moi, rire de moi. J'étais devenue la reine. J'avais travaillé dur pour ça. Ça n'avait pas été facile. Mais je l'avais fait. Moi, toute seule, j''étais passée du statue de looseuse à celui de modèle. J'étais celle qu'on aimait ou même qu'on n'aimait pas, mais qu'on admirait incontestablement. J'étais Dana. LA Dana. Celle devant qui les garçons bavaient et que les filles jalousaient... J'étais moi, enfin.

PART III ♦ On dit que rien n’arrive par accident, on se prend parfois la réalité en pleine figure, et parfois, elle s’impose lentement à nous, malgré tout nos efforts pour l’ignorer...

« - Lulu… c’est toi ? ». Pas de réponses, mais c’était bien elle. Là. Recroquevillée dans un coin du couloir, les joues recouvertes de larmes. Immédiatement, je me mis à paniquer. Bien sûr, je savais que Luna était une hypersensible dans l’âme, mais pour qu’elle soit dans cet état, il fallait que quelque chose de grave soit arrivé. « - Tout… tout le monde le…le sait… ». Okay, je ne suivais plus vraiment là. Tout le monde savait quoi ? Ma sœur dut comprendre mon questionnement et ne tarda donc pas à me répondre. « - Que… que je l’ai fait… dans les toilettes… ». Oh. PU.TAIN. Ma sœur m’avait avoué, plus honteuse que jamais, que son copain du moment lui avait pris sa virginité dans les toilettes du lycée… Mais elle espérait que cela reste un secret… Je lui avais déjà fait une leçon de morale, mais j’espérais moi aussi qu’il n’y ait pas de fuites… Je me contenta alors de prendre ma sœur dans mes bras, tentant de la rassurer… [...] « - Hey Dana, alors comme ça ta sœur s’est faite sauAH MAIS CA VA PAS ?!? ». Gros con. Il n’avait pu finir sa phrase que je lui avais balancé mon poing dans la figure. J’ai beau être petite, faut pas croire, j’ai des muscles et je sais très bien m’en servir, encore plus lorsque l’honneur de ma sœur est en jeu. Les garçons sont stupides parfois, je vous jure et bien qu’à l’époque, je sortais avec un mec pas franchement très brillant, je me consolais en me disant que sa côte de popularité était - presque - aussi haute que la mienne. Peu importe. « - Ne parle plus JAMAIS de ma sœur, okay ? ». Je savais me faire menaçante. C’était un peu ma spécialité d’ailleurs. Le minable hocha positivement la tête avant que je ne reprenne. « - Dégages maintenant ! Et passes chez le coiffeur parce que la coupe à Justin Bieber, c’est franchement pas le top mon gars ! ». Et le voila qui se barre en courant, les mains dans les cheveux. Haha ! Trop facile.

PART IV ♦ J’aurais jamais cru qu’on pouvait se faire du mal en s’aimant trop. Mais peut être que si.

« - Les filles, j’ai une grande nouvelle : on part vivre à Jerrytown. ». Jerry quoi ? Non mais c’était pas sérieux ? Mon père voulait vraiment déménager ? Bien sûr qu’il le voulait ! Il avait prétexté que là-bas, il aurait de plus grandes opportunités professionnelles, mais je savais bien que c’était à cause de ma sœur. Parce qu’elle était devenue la risée du lycée. Parce que même si j’avais beau la défendre, elle restait cette fille qui s’était faite sautée dans les chiottes du bahut et que son mec avait quitté quelques jours plus tard. Parce qu’elle était faible et qu’elle ne parvenait à surmonter le regard des gens. Pour la première fois de ma vie, j’ai ressenti une profonde haine envers ma jumelle. Elle détruisait tout ce que j’avais durement bâti au cours des années. Elle fuyait, elle renonçait. Elle préférait pleurer dans les jupons du paternel plutôt que d’affronter la réalité. C’était lâche, c’était égoïste. Je devais renoncer à mes amis, ma vie, mon statu, mon lycée, mes projets, mon petit copain, pour quoi ? Pour que ma sœur puisse surmonter le fait qu’elle avait désormais une étiquette colée sur son front. Et j’en voulais à mon père également. Il avait toujours privilégié Luna. Parce qu’elle était la plus fragile, la moins affirmée… Mais lorsque j’étais enfant et que j’étais la risée de mon école, jamais l’idée de déménager ne lui était venu à l’esprit. C’était la preuve qu’il aimait Luna plus que moi. De toute évidence, ils étaient dans cette bulle de complicité et d’amour dont je n’étais qu’une étrangère. C’était elle et lui contre… moi. Seulement moi. Juste moi. Je les détestais. Je les haïssais.

PART V ♦ Tu sais, je t’ai toujours pris pour un attardé. Mais je m’aperçois que je t’ai sous estimé. T’es un vrai con l’évadé du bocal !

Premier jour de cours à Jerrytown et j'ai déjà envie de me suicider. Non, mais qu'on déménage, ça m'a déjà foutu bien la rage, mais qu'en PLUS on se retrouve à vivre dans une ville de barges, ça va pas. PAS DU TOUT. Non mais sérieusement, vous en connaissez beaucoup vous, des gens qui adulent des personnages de dessins animés ?!? Bah moi, j'en suis entourée. Ouais, des malades. MA-LA-DES. Putain et voila qu'une blondasse peroxydée vient me les briser. "- Euh... t'es la nouvelle, c'est ça ?". Pff okay, j'vois le topo. Elle cherche direct les ennuis avec son air suffisant. Deux secondes dans mon nouvel établissement scolaire et voila que Missgroslolo vient m'accoster. "- Ouais, mais tu sais, comme la plupart des gens qui peuplent cette planète, j'ai un prénom.". Oh la gueule qu'elle tire ! Je prendrais bien une photo pour le coup... mais bon, on va peut-être s'abstenir. Ma phrase semble faire un long parcours dans son crane de piaf avant qu'elle fasse une moue choquée, ses petits toutous de copines l'imitant. "- Je vais mettre cette réplique sur le compte de ton ignorance... Je te le dis direct ma jolie, ici, c'est moi la reine... Et on ne me parle pas sur ce ton.". Elle plisse des yeux. Je crois qu'elle veut me faire un espèce de regard menaçant... mais c'est pas trop le cas. On croirait plus un poulpe croisé avec un phacochère... Les Américaines, je vous jure. L'avantage, c'est qu'elle a le mérite de me faire rire. D'ailleurs, je ne me gêne pas pour lui rigoler à la gueule... Bon, j'en rajoute un petit peu, mais je m'en fou. Au moins, cela a attiré l'attention de tout le monde. Bien. "- Et moi, je vais mettre cette dernière réplique sur le compte de ta connerie ambulante. Tu ne sais vraiment pas à qui tu as affaire ma belle et crois-moi, tu vas rapidement le savoir.". Je suis restée étrangement calme. Me mettre en colère, c'est pas trop mon truc... 'fin bref. Elle tire une de ces tronches, c'est vraiment trop drôle ! Et pour bien accentuer ma phrase, je claque la porte de mon nouveau casier et tourne les talons, lui envoyant un masse de cheveux en pleine gueule. Haha.

PART VI ♦ Est-ce que tu réalises que tu m’es aussi utile qu’un trou du cul à cet endroit là ? [Il montre son coude]

"- Hey !". Merde, merde, MERDE !!!! Putain de chiasse, il fallait que ça tombe sur moi !!! "- Hey Danette attends-moi !!!". Nooooon !!! Bordel, elle me soûle !!!! En plus elle court vite ! On croirait pas comme ça, mais elle a un bon souffle ! Et puis, ce surnom moisi là !!! "- Mais dis-moi, c'est que je pourrais presque penser que tu ne veux pas me voir !!!". Bingo ! Elle est pas si conne que ça finalement !!! Peut-être que son cerveau n'est pas aussi sous-développé que je le pensais !!! "- Tu me veux quoi ?". Bon, je pourrais être plus sympa, mais franchement, je n'en ai pas DU TOUT envie. Elle me gave cette gonzesse ! Et puis, à part ses gros nichons et ses jambes de deux mètres cinquante, je vois pas pourquoi c'est ELLE que mon père a choisi pour partager sa vie... J'ai toujours su qu'il avait un faible pour les Américaines, mais quand même ! "- Ah euh...". Je l'ai foutu mal à l'aise. TANT MIEUX. "- Je... je voulais savoir si ça te dirait de venir faire du shopping avec moi cette aprem ?". C'est une blague ? "- Et puis comme ça, on pourra passer du temps entre BFF !!!!". Donnez-moi une arme que je me flingue... ou non, que je LA flingue !!! Est-ce qu'elle a bien vu ma tête ? Elle est pas bigleuse à ma connaissance ! "- Écoutes-moi bien euh...". J'me souviens même plus de son prénom. On s'en tape t'façon. "- Machine,", ouais, ça lui va bien. "- Toi et moi, on est PAS des BFF. Pas aujourd'hui, pas demain, JAMAIS JAMAIS JAMAIS !!!". Elle va pas pleurer ?!? "- Je sais que mon père veut qu'on se rapproche, mais sérieusement, à part te sauter, je vois vraiment pas ce qu'il fait avec toi !!! Tu dois être un sacré bon coup d'ailleurs...". Ouais, elle doit lui faire voir le septième ciel à l'ancêtre... Mais bon, d'un côté, ça m'énerve qu'il se tape une minette comme elle. A croire qu'il a des goûts de chiotte... Or, ma mère était une belle femme... la plus belle, de toutes les femmes....

PART VII ♦ Dans la vie, le prince charmant se tire avec la mauvaise princesse...

"- Hey... ça va depuis la dernière fois ?". J'avoue que la tête que j'ai dû faire à ce moment là devait être sacrément drôle. Ça faisait peut-être un ou deux jours que j'avais commencé les cours et un ptit frisé était venu m'accosté... J'avais d'abord eu l'idée de l'envoyer sur les roses, mais... son ptit air enfantin m'avait conquis. Bizarre... [...]. "- Portes-moi ça maptitechaussette !!!". Rapidement, Sid était devenu mon meilleur ami... Enfin, en apparence, il semblait plus être mon esclave qu'autre chose, mais ce petit mouton était devenu mon ami. Un vrai ami. Pas comme ces toutous qui me suivaient de partout et imitaient tous mes gestes. J'avais atteint mes objectifs, j'avais giclé cette blondasse aux gros seins de son trône et j'avais pris sa place. En quelques mois, j'étais devenue LA fille dont on parlait et j'en étais fière. Sid lui, il était mon ami. Un vrai de vrai. Il était un peu devenu mon pilier. J'avais conscience que j'étais imbuvable avec lui, à lui ordonner de faire telle ou telle chose, mais je l'aimais, vraiment... Du fond du coeur... J'avais rapidement compris que la première fois qu'il s'était adressé à moi, à la sortie du cours de biologie, il m'avait pris pour Luna. Apparemment, il l'avait déjà croisé et moi... je lui avais fait croire que j'étais elle... Ou bien qu'elle était moi, ça dépend du point de vue. Quoiqu'il en soit, ma relation avec Sid était basée sur un horrible mensonge, bien qu'à l'époque, j'étais certaine que rien ni personne ne se mettrait sur mon chemin...

PART VIII ♦ Tu vois, le monde se divise en deux catégories, ceux qui ont un pistolet chargé et ceux qui creusent. Toi tu creuses.

« - Alors comme ça, t’as une sœur jumelle ! Elle semble cool ! ». Putain et voila que le deuxième Dupont venait me chercher. Dorryan. Le copain de Sid... je crois. En fait, j'en savais rien et cet instant, je m'en balançais pas mal. Tout ça pour dire que ce mec me mettait hors de moi. Je n'aurais su l'expliquer ou le comprendre, mais sa tête ne me revenait pas. Surement parce qu'il était l'un des seuls à me tenir tête. Ce gars avait un putain de caractère, parfois, j'avais juste envie de l'encastrer dans un mur. Mais au fond... je l'aimais bien, je crois... 'fin, quand il la fermait quoi. « - Cool ? Se faire sauter dans les chiottes de son lycée alors qu’on est encore vierge, c’est pas ce qui rend quelqu’un de cool ! ». Oups. Ca m’avait échappé. C’était comme si ma colère avait pris le dessus. Ma sœur était responsable de mon malheur et désormais, j’étais responsable du sien. Elle avait décidé de quitter les cours à domicile, de retourner à l'école et bien évidemment, mon père avait dit oui. C'était n'importe quoi et je la détestais vraiment. Luna était devenue l'ennemie numéro un. Depuis que nous avions déménagé, notre relation avait pris un autre tournant. Nous n'étions plus alliées. Ce n'était plus elle et moi contre le reste du monde. C'était elle contre moi. Point. Luna détruisait tout sur son passage et le pire, c'était qu'elle ne s'en rendait même pas compte. J'en avais marre de cette auto dégradation qu'elle faisait d'elle et de sa vie. J'en avais marre de l'entendre se plaindre, de l'entendre pleurer. Ça me soûlait vraiment. Elle venait de détruire ma relation avec Sid. Il m'en voulait. Ca me détruisait. Du coup, inconsciemment, j'avais voulu lui rendre la pareille, même si je commence un peu à le regretter. La vérité est que la relation fusionnelle que j'avais avec ma soeur me manque, mais je crois que j'ai trop de fierté et surtout, de rancoeur pour le lui dire. Putain, quel monde de merde !