« Rends-moi ma poupée ! » « Non, je la garde, Andrina m’a pris la mienne ! » « C'est même pas vrai » « Si c’est vrai je t’ai vue ! » « MENTEUSE ! » Une grande famille. Sept filles dans la même maison, ce n’était pas tous les jours facile. Vixy comprenait le désespoir de maman et l’inquiétude de papa, qui était le seul homme de la maison. Du moins, lorsqu’il était là. Le travail prenait la majeure partie de son temps, et maman devait s’occuper de ses filles, seule avec sa patience.
Le sourire aux lèvres, Ariel s’approcha de Vixy. Ses yeux pétillaient d’une douce idée machiavélique. Idée qu' elle allait adorer. Les deux jumelles formaient un tout, et rien ne les différenciait, même pas le physique. Ce qui était le principe des jumelles à vrai dire. Elle lui chuchota quelques mots à l’oreille, et son visage s’illumina. C’était une idée de génie, une idée fantastique. Elles se sont donc dirigées vers la porte de la chambre de la malice plein la tête. Mais l’aînée eu la mauvaise idée de se mettre en travers de leur chemin, faisant tomber le baromètre de l’ambiance au plus bas. « Où allez-vous comme ça ? Vous savez que vous ne n’avez pas le droit d’embêter nos parents durant leurs réunions ! » Oui, leurs réunions. Ces soirées à n’en plus finir où des gens aussi riches que nous et sentant la bourgeoisie à plein nez viennent passer la soirée chez les Shields. Leur baiserss de nobles ont toujours donné envie de vomir à la jeune fille. D’ailleurs, papa et maman les obligeait toujours à rester à l’étage pour éviter les dégâts. Mais là, il fallait que Vixy remplisse son quota de bêtises. « Dégage, on a une mission importante. » Son visage devint aussi rouge que les tomates. Elle s’apprêta à l’engueuler, mais elle n’eut pas le temps. Un oreiller percuta son visage, ce qui permis aux deux jumelles de descendre vite fait bien fait. En chemin, elles embarquèrent deux vieilles bouteilles de whisky et abandonnèrent leurs robes, pour terminer en collant et en soutiens gorges. Un, deux, trois, et paf. C’était parti. Le jeu pouvait enfin commencer. Elles déboulèrent dans le salon, avec un air bien alcoolisé. A douze ans, cet air passait mal, surtout auprès des bourges. Le mieux dans leurs jeux, c’était qu’il n’y avait aucune règle, aucune.

« Madame, il n’y a rien d’autre à faire. Elle doit rester ici encore quelque temps. Vous voyez, Vixy a un gros problème psychologiques depuis la mort de sa sœur jumelle. Et ces problèmes virent à la folie. Je suis désolé de vous l’annoncer de la sorte. » Assise sur son lit d’hôpital, la jeune fille avait le regard vide. Vide de joie, vide de vie. Elle avait tellement perdue, dans un autre monde. Son monde. Alors que sa mère se vidait de toutes les larmes de son corps, Vixy restait sans émotions. Elle daigna enfin se lever pour rejoindre sa mère et le médecin, qui la regardaient, inquiet de ce qu’elle allait faire. Sans un mot, elle se dirigea vers la fenêtre, et regarda son poignet entouré d’une bande blanche. Puis, elle se retourna brusquement et se mit à sourire tout en montrant son poignet. « T’as vu ce que la vilaine sorcière m’a obligée à faire ? J’ai eu mal, et j’ai beaucoup saigné tu sais. Et me voilà ici, enfermée avec des gens qui n’ont pas toute leur tête. Toi au moins tu me comprends ! » Ebahi, madame Shields et le cher médecin la regardait. Il n’y avait personne à part eux, personne. Vixy parlait dans le vide, à son imagination. Une fée, un chat déjanté, une lampe qui parle, son interlocuteur pouvait être n’importe qui. Sa mère en apprenait un peu plus tous les jours, pendant que Vixy s’enfonçait un peu plus tous les jours.
D’un pas décidé, le médecin s’avança vers la jeune fille, et posa sa main sur son épaule pour lui parler. Laissant son ami imaginaire et ses rêves de côté, elle fusilla du regard le médecin. « Vixy, écoutez-moi. Ce ne sont que des hallucinations, de pures inventions de votre esprit, je… » « NON, je ne suis pas folle. C’est vous qui ne comprenez pas. Ils existent réellement. Ils sont là, autour de nous. Mais vous ne les voyez pas. Je ne suis pas folle, je ne suis pas folle, je ne suis pas folle… » Elle hurlait. L’hystérie lui étant monté à la tête, elle se mit à hurler, hurler sans s’arrêter. Des infirmiers arrivèrent pour lui injecter une piqure. L’un de ces piqures qui avaient le don de la calmer, jusqu’à presque l’endormir. Tout sa passa si vite. Vixy se retrouva allongée sur le lit, dans les nuages, pendant que sa mère s’écroula sur le sol, en larme. Elle avait mal. Mal de voir sa fille dans cet état, et mal d’en avoir perdu une autre. Trois semaines. Cela faisait maintenant trois semaines que la mort avait emporté Ariel, par un vulgaire accident, un coup de feu parti trop vite. Alors que toute la famille était en deuil, la tristesse de Vixy s’était réveillée d’une toute autre manière. Le cœur déchiré, piétiné, elle était tombée dans la folie et la dépression, abandonné sa joie et son esprit fêtard au passage.

Couchée dans l’herbe humide, Vixy regardait les étoiles, émerveillée. Elle sentait la fumée d’herbes de Provences à plein nez, et une bouteille de whisky traînait non loin de là. Certains auraient pu croire à l’épisode suivant de sa dépression, mais non. Elle était remise depuis quelques mois déjà. Le sourire aux lèvres, elle prit son paquet de cigarette et en sorti une. Heureuse. Elle était heureuse. La tête dans les nuages, mais d’une toute autre manière. Elle eut vite fait de retourner à la réalité. Elle entendit un bruit d’objet s’écrasant quelque part, avant de se rendre compte qu’elle avait mal. Puis, elle vit une pomme de pain sur son torse. Le sourire aux lèvres, elle se redressa, non sans voir la terre tourner. « Abruti, t’as que ça à faire ! » Retour à l’envoyeur. La pomme de pin percuta le nez de son ami, et dans un éclat de rire, une bataille amicale éclata. Entre eux, c’était comme un amour platonique. Il l’avait tirée de la dépression et lui avait fait remonter la pente en beauté. Sa joie de vivre et son éclat retrouvés, Vixy se sentait bien mieux.
« Tu me soules, c’est toujours pareil avec toi. » La bataille terminée et le vainqueur élu, tous deux se couchèrent l’un à côté de l’autre. « T’insinues quoi, que t’en as marre que je gagne tout le temps ? » Triomphant, il regardait Vixy. Après un long soupire, elle sorti son paquet de cigarette et en offrit une à son ami. « T’imagines que ça va payer ta défaite ? Laisses-moi rire. Il faudrait au moins la moitié de ton bénéfice d’hier soir. » « Rêve. » Elle n’avait jamais manqué d’argent, mais elle refusait de partager le fruit de ses effort. Papa et maman lui avaient toujours tout donné, pourtant, elle avait choisi de ne pas les écouter en choisissant une autre voie que les longues études, à leur plus grand déplaisir. Mieux encore, elle avait troqué ses bouquins contre un appareil photo. Et comme toute artiste qui se respecte, elle avait choisi de faire un deuxième petit job. Merci l’originalité, elle s’est mise à dealer, juste pour embêter papa et maman. La majeure partie de ses sœurs étant parties à l’étranger, elle se devait de combler le vide en beauté.
Un sourire, un regard malicieux, Vixy compris tout de suite. Elle eut un long soupire, néanmoins curieuse de savoir le gage qu’il allait lui donner. Oui le gage. C’était l’un de leur jeu favori, se donner des gages. Au départ, les défis étaient seulement là pour faire sortir Vixy de sa tristesse, mais ils étaient devenus une habitude. « Bon, ma belle. Tu vois la grand-mère là-bas ? J’veux que t’arrives à lui faire croire que t’es sa fille. » Presque impossible. Mais pas pour Vixy. Un sourire aux lèvres, elle se leva, vacillant quelque peu, avant de se diriger vers sa cible. Elle crut voir la silhouette d'un de ces anciens amis, un ami qu'elle voulait oublié, un de ces amis qui la suivait dans sa folie. Elle cligna des yeux, essayant de le faire sortir de sa tête. Lorsqu'elle regarda une nouvelle fois, il était parti, envolé. Tant mieux. Elle se ressaisissa et continua sa route. La partie commençait.